Ils sont 45000 en tout et viennent principalement de la France, mais aussi de 150 pays autour du monde. Pourquoi tout cet engouement pour un job d’été non payé en plein milieu des vacances ? Quelles sont leurs motivations ? Je cherche les réponses à ces questions depuis quelques semaines. Pourquoi me direz-vous ? En quoi cela intéresse une sophrologue ? Et bien tout simplement parce que je suis une de ces volontaires ! Et, je me suis posée la question la semaine dernière en me levant à 5h30 : « mais pourquoi tu fais ça ? » Alors, je n’ai pas de réponse standard, j’ai ma réponse et celle de tout ceux que j’ai rencontrés jusqu’à présent.
Et ces réponses se rejoignent toujours :
« Je ne pouvais pas rater ça, ça fait 100 ans qu’on les attend à Paris, le monde entier vient chez nous, je veux vivre ça de l’intérieur et repartir avec des souvenirs plein la tête ». Evidemment, mais je pense que c’est aussi un peu plus complexe que cela.
Qui sont donc les volontaires de Paris 2024 ?
Ce sont des jeunes, des actifs, des retraités, des hommes, des femmes. L’idée n’est pas de vous faire ici un inventaire de toutes les sortes de volontaires, l’idée est de s’intéresser à ce qui les pousse, nous pousse à accepter de travailler 8h par jour pour la gloire ou plutôt la fierté. Eh oui, la fierté, tous les volontaires, que la presse appelle les « petites mains des JO » fonctionnent à la fierté. Celle déjà d’avoir été choisi parmi 300 000 personnes qui ont postulées à ce job. Celle de participer à quelque chose de grand. Celle de porter un uniforme unique clairement reconnaissable créé spécialement pour eux.
Les volontaires des JO fonctionnent aussi à la joie, la joie de l’engouement des spectateurs, leur ferveur partagée. C’est très intense et cela se ressent dès qu’on entre dans un site olympique ou sur une fan zone. C’est quasi palpable.Les volontaires des JO veulent montrer toute leur bonne volonté à aider l’autre, le spectateur japonais égaré, le coach hongrois qui pensait aller à pied du village olympique à La Concorde et à qui l’on conseille de prendre une voiture Paris 2024 (si, si c’est mieux), la journaliste britannique qui doit retourner dare-dare à son hôtel pour envoyer son article et le gentil couple de français avec leur petit garçon qui cherche les toilettes au milieu de la foule sur le parvis du stade de France, etc…
Les volontaires des JO veulent aussi parler avec ce monde qui vient à leur rencontre et vice-versa. Dans les transports en commun, je n’ai pas passé une journée sans échanger au moins un bonjour avec des personnes qui se rendaient sur un lieu de compétition. A chaque fois, j’étais reconnue en tant que volontaire et cela les rassurait et favorisait les conversations, oui même en anglais (bon parfois plus en franglais pour ma part, mais on se comprenait). Combien d’anecdotes sont maintenant gravées dans ma mémoire. La dernière en date : 6h45 RER B, 3 personnes dans le wagon, une dame rentre, elle va au travail pas tout à fait réveillée, elle reconnait mon uniforme PARIS 2024, me pose la question pour être sûre : « Vous êtes bénévole, pour les JO ? » « oui, tout à fait » « alors merci, merci pour ce que vous faites, tous les volontaires sur les JO, c’est formidable, vous participez à leur réussite ! ». Nous voilà, toute aussi émue l’une que l’autre, moi presque la larme à l’œil de cet élan de gentillesse et de reconnaissance et elle de rencontrer en vrai quelqu’un qui participe à cette formidable fête sportive. Elle voulait savoir ce que je faisais : chauffeur des voitures PARIS 2024 pour transporter les officiels et toute la « famille olympique », je lui ai expliqué les coulisses, les inévitables petits couacs sur une organisation d’une telle ampleur qui sont malgré tout effacés par la bonne humeur générale (d’ailleurs, je n’ai jamais vu autant de français râler avec le sourire ! ça ne va pas, mais, c’est pas grave, on est aux JO !), elle m’a exprimé toute sa joie de voir les épreuves sportives à la tv, son envie d’aller au Parc des Champions pour participer à la ferveur générale, son admiration pour les sites olympiques sensationnels, impressionnant de beauté, bref elle était emballée.
Pourquoi devient-on volontaire aux JO ?
Tout est question d’émotions, de ressentis : fierté, joie, adrénaline, ferveur, gentillesse, générosité, espoir, empathie. Nos athlètes français montrent l’exemple, ils sont portés par toute la ferveur d’un peuple qui reçoit le monde, tous les hourras des spectateurs, les hôlas et les clappings. Ils n’ont jamais été aussi bons, aussi forts, aussi rapides. Tout ce que nous ressentons, cela se grave en nous et cela a des conséquences sur ce que nous seront après. Toutes ces émotions, ce sont les mêmes que les sportifs, toutes proportions gardées bien sûr, le volontaire ne s’est pas entraîné pendant 4 ans pour indiquer la sortie à la foule, mais les volontaires qui ont été porte-drapeaux à la cérémonie d’ouverture s’en souviendront toute leur vie et ils ont certainement ressenti une indescriptible joie à participer à ce moment unique. Moi-même je me suis sentie privilégiée que l’on me confie une belle voiture neuve pour conduire dans les rues de Paris (et plus loin) et que je puisse passer tous les barrages de police sans le moindre souci.
Tout est là, ce que nous, les volontaires, avons déjà reçu en paiement de notre investissement. C'est la reconnaissance, la fierté de dire plus tard : j’y étais et j’ai apporté mon aide. Hors de question de se séparer de tout ce qui nous replongera dans cette ambiance, dans cette chaleur humaine que seuls les grands évènements sportifs savent nous procurer. Photos, uniformes, pins, goodies, tout sera conservé précieusement. Posez la question à un/une volontaire, demandez-lui de vous vendre son bob, même à 300€ il ne vous le donnera pas ! Alors, oui vous pouvez les trouver sur Vinted ou LeBonCoin mais ils ne viennent pas de réels volontaires, ça c'est sûr! Lors d’une interview avant le début des jeux, Teddy Riner a répondu à cette question : pour qui voulez-vous gagner une médaille ? Si le journaliste s’attendait certainement à une réponse du genre : pour ma famille, mes enfants… Sa réponse, à notre grand champion a été claire et honnête : « Pour moi ! Bien sûr ma famille compte énormément, mais je la veux d’abord pour moi » . Et bien notre uniforme, c’est notre médaille à nous. Cela n’a sûrement aucun bon sens mais c’est comme ça.
Et finalement, nous nous surprenons à être plus audacieux, plus généreux, plus empathique pour faciliter la vie de ces athlètes merveilleux qui ont sué sang et eau pour arriver là, pour aider ces supporters du monde entier, ces visiteurs qui se sont peut-être endettés juste pour pouvoir vivre l’émotion de la victoire de leur pays, de leurs athlètes tant aimés.
Et même si l’expérience vécue ne sera pas la même selon que le volontaire aura été sur la piste du Stade de France, à la laverie du village olympique, sur la plage de Tahiti ou sur un parking au Golf National, cela ne change rien au fait qu’on est tous venus pour rencontrer le monde, pour se créer des souvenirs indélébiles et pour vivre des émotions intenses.
Finalement, pourquoi l’Homme, l’être humain, je veux dire, fait-il toutes ces choses incohérentes ?
Pour les sportifs : s’entraîner sans relâche, sacrifier une vie familiale pour quelques secondes de gloire et une médaille, pour les volontaires, sacrifier ses vacances, travailler bénévolement pendant des semaines pour un uniforme et des pins ? Est-ce que c’est simplement pour ces émotions qui font se sentir vivant, vibrant, résonnant avec ce que l’humanité a de meilleur ? Qu’en pensez-vous ? Avez-vous déjà réfléchi à l’importance de vos émotions dans votre vie ?
Je vous laisse là-dessus.